Thursday, February 12, 2004

Art et Technique : Ordre et Chaos

Avec l'interpénétration des arts et de la technique, l'artiste se fait technicien, le technicien se fait artiste. Le résultat est une technicisation formelle de l'oeuvre d'art.

Et revendiquer le non-sens et la multiplication, pour l'art contemporain, revient à instaurer le geste gratuit et le chaotique dans l'oeuvre, pour littéralement rendre l'art insignifiant dans l'explosivité et dans son essentialité.

L'art conceptuel se caractérise par un renoncement au contenu et veut se représenter comme concept pur.

Il s'ensuit un vide émotionnel qui dans un sens doit permettre au spectateur de saisir le processus mental lui-même.

L'implication du corps de l'artiste dans ses activités quotidiennes et l'interpénétration entre le projet artistique et la mise en scène de soi comme action performatrice réintroduisent la subjectivité artistique dans la pratique de l'art.

Sophie Calle se fait suivre par un détective privé à Venise et expose les traces photographiques et cartographiques de cette filature.

Les musées en sont friands de ses projets.

Mais la forme même de la présentation, celle de documents - photographies, films, rapports écrits - qui constituent les indices d'une oeuvre plus que l'oeuvre elle-même marque une distanciation entre le geste artistique et sa représentation muséale, car ce qui advient au devant de la scène est précisément l'acte performatif que constitue toute exposition de l'oeuvre.

Et cela devient lassant pour le spectateur.

Pollock est la figure emblématique de la pratique de l'aléatoire par le geste du dropping, apparemment incontrôlé mais en réalité aussi structuré qu'une chorégraphie qui a instauré dans l'espace pictural un univers vibratoire proche du mouvement brownien.


Sa peinture semble informe, c'est à dire que la structure que l'on y décèlera relève moins des codes visuels hérité de l'histoire de l'art que de la conscience même du spectateur.

Même la volonté de cerner ce qu'on pourrait désigner comme "l'être de la matière" est réduite à néant, puisque la physis est devenue maître du jeu par la disposition aléatoire (au regard de l'intentionnalité humaine) du matériau.

Toute la duplicité de l'art contemporain est là : revendiquer la nullité, l'insignifiance, le non-sens, viser la nullité alors qu'on est déjà nul, viser le non-sens alors qu'on est déjà insignifiant.

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